PRĖSIDENT MICHEL ACCUSĖ PAR LA PRESSE RĖUNNIONAISE DE MANQUER LE SENS RĖEL DU MOT DĖMOCRATIE
Cinq mois après son élection, James Alix Michel, le successeur désigné de France-Albert René, est arrivé hier soir à Gillot. En quête de légitimité, le nouvel homme fort des Seychelles voulait absolument être reçu officiellement en France. Il devra se contenter d’une “visite de travail”, en attendant peut-être qu’il découvre le sens réel du mot démocratie.
Homme de transition ou apparatchik légitimé ?
James Alix Michel, le président de la République des Seychelles, est en France. Pas à Paris, comme il l’aurait souhaité, mais à Saint-Denis de La Réunion. Il y est arrivé hier soir et doit y rester jusqu’à demain. Un peu moins de cinq mois après son élection, le nouvel homme fort du grand archipel voisin s’est posé à l’aéroport de Gillot à bord d’un Transall des Fazsoi, parti quelques heures plus tôt le récupérer à Maurice. “Pour lui éviter une trop longue escale”, selon la version officielle. Une présentation des faits qui a le mérite de ne pas évoquer l’embarras du gouvernement de Port-Louis vis-à-vis de celui dont un (très) proche fait l’objet de poursuites à Singapour pour détention de drogue... dans des valises diplomatiques. La République étant bonne fille et ayant surtout intérêt à se montrer moins regardante, à sa descente de l’avion militaire, James Michel a été accueilli par le préfet de La Réunion, Pierre-Henry Maccioni. Sur le tarmac, il y avait aussi plusieurs élus dont le député-maire de Saint-Denis, René-Paul Victoria, et le vice-président de la Région, Camille Sudre. Ce déploiement protocolaire n’a tout de même pas réussi à masquer l’ambiguïté de la visite du successeur désigné de France-Albert René. Le caractère trouble de la visite s’est exprimé dès les premières minutes suivant l’atterrissage, quand le chef d’état seychellois a passé en revue les troupes de la base aérienne 181. Contrairement au protocole qui prévaut pour les visites officielles, le passage en revue s’est effectué sous la conduite du préfet, marchant un pas devant le capitaine de vaisseau Niogret, qui représentait l’autorité militaire en l’absence (diplomatique ?) du général commandant supérieur des Forces armées de la zone sud de l’océan Indien.
QUE DE COURTOISIE
Mais le plus étonnant dans cette promenade réunionnaise, c’est qu’elle n’est pas présentée de la même façon des deux côtés. Selon le représentant du Quai d’Orsay, il ne s’agit que d’une “visite de travail”. James Michel la présente comme une “visite officielle”. Et ce, en dépit d’un programme qui ne le laisse vraiment pas penser. À en croire une interview publiée hier par le très obéissant journal Seychelles Nation, James Michel est reçu à La Réunion “à l’invitation du gouvernement français”. Pour, dit-il, évoquer “un accord-cadre” intégrant six secteurs de coopération : “jeunesse et sports, éducation et formation professionnelle, culture, développement économique - y compris le tourisme, la pêche et l’environnement - aménagement du territoire et prévention des risques, enfin le développement social et la santé”. Seul bémol, c’est que rien de tout cela ou presque n’apparaît dans le programme du chef d’état qui, n’a pas été invité mais “a manifesté son souhait de venir en France”. En fait de visite officielle, hier soir, peu après son arrivée à l’aéroport, le président des Seychelles a participé à la réception de fin d’année du préfet, durant laquelle il a prononcé un “discours de politique générale” (et de généralités). Il a ensuite filé vers une autre réception, organisée celle-ci par le conseil général à la villa du Département, en présence de personnalités du Mozambique, reçues dans le cadre des fêtes du 20 décembre. Ce soir, il doit les retrouver sur le parvis de Champ-Fleuri, pour le concert de Miriam Makeba. Entre-temps, dans la journée, il aura rencontré Nassimah Dindar et René-Paul Victoria, dans le cadre de “visites de courtoisie” (qui ne devraient pas trop en manquer car elles se feront heureusement l’une après l’autre). Dans l’après-midi, une réunion est prévue avec “les acteurs économiques du conseil régional”, où il parlera de “tourisme et d’investissements”, suivie d’un entretien avec le patron de la Région, Paul Vergès, et une visite de la ferme éolienne de Sainte-Suzanne. Demain, il visitera Kelonia, et le conservatoire des Mascareignes, le Crossru, déjeunera aux Villas du Lagon et participera aux fêtes du 20 décembre à Saint-Denis. Ce midi, lors d’une conférence de presse, James Michel et le préfet devraient dévoiler les contours d’un accord bilatéral pour la surveillance des zones de pêche dans l’océan Indien. Enfin du concret, feront remarquer ceux qui savent à quel point le grand démocrate seychellois est attaché à ce sujet. À tel point qu’il a fait en sorte que le seul journal d’opposition, Regar, cesse de paraître depuis qu’il a l’outrecuidance de publier une photographie du ministre de l’Environnement jetant sa ligne dans une réserve interdite à la pêche.
Renaud Guiliani